Règles interprétatives des documents d’urbanisme

Contraintes et solutions de « l’urbanisme de projets »

Par Mounir Mostefaï.

 

Les règles d’urbanisme et les documents d’urbanisme :

La plupart des règles d’urbanisme se trouvent intégrées dans ce qu’il est convenu d’appeler des documents d’urbanisme mais aussi « documents de planification urbaine », relatifs à l’occupation et à l’utilisation du sol qui sont des documents opposables.

La notion de documents d’urbanisme, employée par le code de l’urbanisme, et dont la jurisprudence a eu l’occasion de les définir en les caractérisant comme :

« Des documents élaborés à l’initiative d’une collectivité publique et ayant pour objet de déterminer les prévisions et les règles touchant à l’affectation et à l’occupation des sols, opposables aux personnes publiques ou privées » Source : (Avis Conseil État 17 janv. 1997, Association de défense du site de l’environnement de Galluis)

Ces règles d’urbanisme sont d’une grande complexité technique du point de vue de leurs hiérarchie et superposition (une articulation entre règles opposables qui se superposent)

Dans certains cas elles peuvent être peu explicites, ambiguës ou contradictoires, ce qui peut introduire un biais interprétatif à leurs lectures et applications, processus délibéré de la part des municipalités compétentes en la matière : « un garde-fou » qui permet de refuser des projets qui ne seraient pas appréciables malgré leurs respects de la « règle ».

En soi, cela est plutôt une bonne chose de garder une marge de manœuvre sur la fabrication de la ville. Cependant, cela est source de tensions voire de certaines situations conflictuelles qu’il convient d’anticiper.

Quels sont les moyens d’anticipation, et comment appréhender ces règles qualifiées d’« interprétatives » (ou abstraites) des documents d’urbanisme ?

La question posée part de situations récurrentes au sujet de l’aspect de certaines règles subjectives et leurs arbitrages lors de l’instruction des projets, ainsi la collectivité compétente pourra refuser un permis même s’il est conforme d’un point de vue réglementaire. De ce point de vue l’opportunité foncière n’est pas forcément une « opportunité de faire ».

« Est privilégié un urbanisme de projet plutôt qu’un urbanisme réglementaire »

Le sujet est assez large et s’étend à différents aspects des PLU. Voici un panorama de quelques règles dont la définition peut s’avérer interprétative :

– Les règles d’implantation des constructions (sur la définition des limites séparatives)

– La hauteur réglementaire applicable

– Les règles d’implantation des constructions les unes par rapport aux autres introduisant ou pas la notion de contiguïté des bâtiments

– Les règles alternatives induisant des bonus constructifs et les dérogations

– L’aspect des constructions et leur intégration dans le contexte urbain

– Des adaptations des PLU au cas par cas

 

Illustration de certaines règles de définition des gabarits constructifs

 

Source : Image issue du PLUm de Nantes métropole

À titre d’exemple : l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme impose aux PLU (Plan Local d’Urbanisme) de fixer des règles d’implantation des constructions par rapport aux voiries et aux limites séparatives. Or l’article R. 111-21 peut être utilisé pour statuer sur un projet, et se voir refusé ou soumis à des conditions de réalisation si les constructions sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants.

Une règle peut donc se retrouver insuffisante à garantir la légitimité du projet par l’existence d’une autre règle, si cette dernière comprend une notion interprétative telle qu’ici la notion de « porter atteinte » dont seule l’autorité peut juger.

Pour les concepteurs et porteurs de projets, ce « flou d’interprétation » apporte une complexité et une incertitude quant à l’acceptabilité du projet. Dans ce cas précis, aucune règle n’est susceptible de déterminer l’implantation des constructions par rapport aux voies et limites séparatives.

Qu’en est-il d’un secteur où la hauteur n’est pas réglementée, ou définie selon celles des constructions voisines ? Ou quand l’emprise au sol n’est pas réglementée ? Que faire en l’absence de précision sur l’application de la règle, quand celle-ci n’est pas exprimée avec des termes quantifiables, en distances, et en mètres, mais aussi comment doit se faire la mesure de l’aspect de la construction pour sa meilleure intégration dans le contexte urbain ?

Illustration d’une règle de hauteur maximale qui est déterminée par référence à la hauteur des constructions voisines

Source : Image issue du PLU de Montrouge

Le meilleur moyen d’anticiper cette problématique est de solliciter une consultation auprès des agents instructeurs et des ABF (Architectes des bâtiments de France), qui statuent et orientent la faisabilité de ces projets, au moment de leur conception.
De fait, cela se traduit par le ralentissement du processus de conception des projets.

Mais cela est un moindre mal face au handicap que cela représente pour les concepteurs de projets et les architectes qui rencontrent des difficultés dans la réalisation de leurs projets, notamment lorsque l’interprétation concerne la définition des gabarits maximum prévus dans le PLU. Dans ce cas, cela peut grever un potentiel constructible, ou brider des initiatives privées, et représenter un frein à la rentabilité de projets, allant dans certains cas jusqu’à créer des points de litiges et des jurisprudences.

Un autre moyen de pallier à cette problématique est de se constituer un historique, ou une base de données des refus et de l’acceptabilité des projets sur un territoire donné. Cela confère la connaissance des critères à appliquer aux projets du fait de l’expérience.

Certains arbitrages sur des projets sont faits au détriment de ce que le projet peut apporter comme solution au financement de la rénovation énergétique globale, ou de réalisation de logements dans certains secteurs tendus. Cela est regrettable car ne va pas dans le sens de résoudre certaines problématiques urbaines. On constate alors une forme de conflit entre plusieurs enjeux : par exemple, d’un côté il y a nécessité de densifier, de rénover, de l’autre il y a nécessité de préserver le patrimoine.

Cependant, une définition unique de la règle n’est pas possible quant à l’appréciation des situations locales en urbanisme opérationnel, il existe toujours des cas particuliers d’impossibilité de réglementer de manière précise, une multitude de situations de fait, d’agencements de formes et des parcelles complexes, du contexte urbain, et des exceptions à la règle (une multitude de cas particuliers) à régler au cas par cas. Les enjeux urbains se retrouvent donc arbitrés à l’échelle des projets.

Les règles d’urbanisme en général comportent donc des dispositions volontairement interprétatives pour qu’il puisse en être fait une application pertinente au cas par cas, et dans un souci d’intérêt général laissant une certaine diversité et hétérogénéité urbaine.

Certains articles des documents d’urbanismes pourraient cependant être plus précis dans les contraintes qu’ils édictent pour ne pas être sujets à interprétation et ainsi éviter le flou et le manque de lisibilité pour une question d’équité, et afin d’éviter les litiges.

Une piste pour pallier à cette complexité ?

Chez UpFactor, nous menons des études de gisement des potentiels de surélévation, à l’échelle de territoires métropolitains et pour le compte des métropoles.

L’intérêt est de fournir une information fiable et exhaustive permettant à la commune de maîtriser son potentiel de restes à bâtir et de pouvoir qualifier et prioriser ces potentiels projets en fonction de critères qui sont propres à sa stratégie de développement urbain et à ses besoins : financer la rénovation des passoires thermiques, solutionner des situations de précarité énergétique, aider à adapter le bâti existant aux îlots de chaleur, etc.

Dans ce cas, nous travaillons avec la commune en amont de l’étude et pouvons vérifier auprès d’elle comment appréhender les règles interprétatives. De la même manière, nous intégrons en amont la protection patrimoniale et évitons ainsi de nous engager sur des diagnostics ou des projets qui ne seront pas admis.