Illustration de couv : gisement de foncier aérien d’Annecy, source : UpFactor.
La surélévation, à quelle échelle ?
De l’intérêt d’une approche territoriale
Par Géraldine Bouchet-Blancou
La surélévation est un formidable outil à l’échelle d’une ville, pour construire sans artificialiser et pour contribuer à financer la rénovation du bâti. Encore faut-il savoir sur quels bâtiments elle est faisable et pertinente, au regard des besoins réels.
À l’heure de la double nécessité (et injonction) de rénover le bâti et de limiter drastiquement l’artificialisation, les métropoles doivent trouver des ressources foncières au sein des secteurs déjà urbanisés, ainsi que des solutions pour financer la rénovation de leur parc bâti.
Les municipalités n’ont généralement pas les outils qui leur permettent de visualiser l’ensemble des potentiels qu’offre leur PLU, dont elles ont une connaissance fine mais essentiellement cartographique, et non volumétrique. Surtout, les toits sont rarement considérés comme une ressource foncière à part entière.
L’usage du sol et la manière d’aménager le territoire ont fortement évolué ces dernières années, face à a prise de conscience des conséquences de l’artificialisation effrénée de la seconde moitié du 20e siècle sur la biodiversité, les terres agricoles et le risque inondation. Aussi les communes n’avaient jusque là pas été confrontées au besoin de trouver de telles ressources, car l’urbanisme se faisait « naturellement » en extension.
Le foncier aérien d’une ville, au sein des gabarits des PLU, est une ressource foncière non négligeable, bien qu’elle soit plus complexe à exploiter que le foncier traditionnel. En plus d’offrir un réservoir immense de surfaces neuves sans artificialisation, la surélévation peut aussi financer les travaux de rénovation du bâti existant. Pour autant, il s’agit de connaître ce foncier en détail pour qualifier ces potentiels, c’est-à-dire identifier les bâtiments les plus pertinents à surélever au regard de différents critères et besoins.
Dès lors, comment utiliser la surélévation (surtout) là où elle est la plus pertinente ?
Un gisement de foncier aérien considérable et encore peu exploité
Ces dix dernières années, plusieurs évolutions législatives ont été très favorables à la surélévation. Notamment la loi ALUR de 2014, qui a supprimé le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) et libéré un très vaste potentiel de foncier aérien. Tous les bâtiments qui avaient atteint leur limite de COS en exploitant la parcelle dans sa largeur ou sa profondeur plutôt qu’en atteignant les hauteurs maximales, peuvent désormais être rehaussés pour atteindre les limites gabaritaires du PLU.
En plus de créer des surfaces neuves sans artificialiser, l’exploitation du foncier aérien permet aussi de financer, au moins partiellement, la rénovation du bâti, par la vente des droits à surélever.
Ce gisement nouveau ouvert en 2014 a commencé à être exploité, surtout dans les grandes métropoles comme Paris ou Lyon, et seulement en agissant au cas par cas.
Une étude de gisement sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg
L’Eurométropole de Strasbourg s’est fixé des objectifs de rénovation de son parc bâti et de résorption de la précarité énergétique très ambitieux. Elle est aussi très soucieuse de freiner son expansion urbaine et cherche des ressources foncières intra-muros. Après avoir bâti de manière dense et cohérente le long de l’axe Strasbourg-Kehl (qui était déjà « bétonné ») la ville a réinvesti de grandes friches industrielles telles que la presqu’île Malraux, les anciennes brasseries de Schiltigheim et de Cronenbourg, la COOP (en cours de chantier) ou encore des sites centraux tels que l’ancienne Manufacture de Tabacs et l’Îlot de la Poste (en cours de chantier).
Le but est maintenant d’exploiter la ressource foncière des toits, et d’identifier les bâtiments à fortes déperditions thermiques ayant un potentiel de foncier aérien pour faire de la surélévation un levier de financement de la rénovation.
L’Eurométropole de Strasbourg a été pionnière en la matière. Elle a confié à UPFACTOR l’analyse du gisement de foncier aérien de son territoire en vue de révéler et qualifier les potentiels de surélévation de tous les bâtiments.
L’analyse exhaustive de l’ensemble du bâti du territoire de la métropole servira à trier et prioriser les potentiels en fonction de critères précis tels que :
– la classe énergétique du bâtiment, ses déperditions thermiques et les besoins de rénovation globaux de l’édifice
– la superficie de surface neuve potentielle
– la densité actuelle du quartier
– la proximité et la qualité des aménités urbaines (transports en commun, espaces verts, etc.)
– la capacité d’accueil des équipements publics
– l’éventuelle tutelle patrimoniale du secteur (secteur PSMV…)
– la composition du parc bâti (proportion de logements sociaux,
UPFACTOR Géoservices®, un logiciel pour détecter en masse les potentiels de foncier aérien
L’étude de gisement est réalisée grâce au logiciel UPFACTOR Géoservices®, qui croise les règles du PLU (traduites et intégrées dans le logiciel), les données du sol (issues de bases publiques telles que les fichiers fonciers, la BD Topo, etc.) et la donnée de hauteur existante des bâtiments (généralement donnée via une étude LIDAR). L’ensemble de ces données ainsi croisées sert à établir un potentiel précis et géolocalisé, indiquant la surface potentielle et le nombre d’étages qu’il est possible de construire en surélévation.
Le gisement de foncier aérien « brut », réglementaire, est ensuite traduit par UPFACTOR en une liste de projets potentiels faisables d’un point de vue opérationnel et économique, dans une deuxième étape de l’étude.
Avec ces informations détaillée, ces « potentiels qualifiés », la municipalité est en mesure de soutenir les projets les plus intéressants au regard de sa politique urbaine et de la réalité du terrain et d’accompagner directement, parmi les copropriétés ayant un potentiel de foncier aérien, les situations les plus urgentes à traiter : la précarité énergétique, puis les classes énergétiques les plus basses, en remontant progressivement vers les classes énergétiques moyennes.
Un moyen pour la commune de « tester » son PLU
Ce type d’étude de gisement menée par UPFACTOR trouve une autre utilité, insoupçonnée. La visualisation en 3D des potentiels de constructibilité maximums offerts par un PLU permet à la commune d’anticiper les évolutions futures de son parc bâti. En cela, l’étude peut conduire la commune à abaisser ou à augmenter les droits de constructions via des modifications réglementaires, de manière extrêmement fine et localisée.
UPFACTOR Géoservices® permet également de simuler un changement de règle et d’en mesurer l’impact réel sur les droits à bâtir. La commune se sert ainsi des possibilités du logiciel pour rapidement évaluer la pertinence d’un changement réglementaire, sachant qu’elle détient déjà les conclusions de l’analyse relative aux aménités urbaines, à la densité existante, à la composition du parc, etc.
Illustration : test préalable réalisé sur un îlot du quartier gare de Strasbourg, montrant les potentiels de construction offerts par le PLU, en densification et en surélévation.
Combien de potentiels réellement exploitables, par rapport au gisement « brut » ?
L’expérience d’UPFACTOR a montré qu’en moyenne, une métropole présentait un potentiel de foncier aérien situé entre 10 % et 15 % de son parc bâti, en nombre d’immeubles réglementairement surélevables. C’est cette donnée « brute » qui est générée par Géoservices®. Une fois émise, cette donnée est ensuite analysée par le service urbanisme d’UPFACTOR, qui intègre dans le logiciel un certain nombre d’informations supplémentaires permettant d’affiner l’étude de gisement afin d’affiner les potentiels : les combles habités, les édifices de certaines périodes constructives que l’on sait être très complexe à surélever, les parcelles trop exiguës, les surfaces trop petites, les édifices sous tutelle patrimoniale, etc. Une fois ce « tri » réalisé avec le logiciel, chaque potentiel est ensuite analysé au cas par cas par l’équipe pour déterminer, avec un regard et une expérience « humaine » si le potentiel semble effectivement exploitable et sous quelles conditions. Des informations sont données pour aider le commanditaire à affiner lui aussi l’évaluation du potentiel, au regard de ses intentions de projet : surface utile potentielle, surface existante, nombre de places de stationnement à créer, part de logements sociaux à créer, nombre de lots de copropriété, classe énergétique du bâtiment, distance au plus proche arrêt de transport en commun, etc.
Le potentiel « net » établi en intégrant des critères sélectifs liés à la faisabilité est généralement situé autour de 3 % à 5 % du bâti d’une ville. Cela est à la fois suffisamment peu pour ne pas impacter visuellement le paysage urbain et à la fois suffisant pour peser dans la lutte contre l’artificialisation, en générant des centaines de milliers de m² à développer.
Et après ?
D’autres métropoles ont sollicité UPFACTOR pour analyser leur foncier aérien, car elles ont compris que la surélévation faisait partie des solutions de l’urbanisme circulaire qui vise à intensifier les usages, faire avec le déjà-là et rénover, réinvestir, reconquérir le bâti pour adapter la ville aux enjeux environnementaux et sociaux de notre temps.